Bonjour Eric.
Je ne résiste pas au plaisir de faire partager quelques souvenirs de
jeunesse qui viennent se télescoper
Avec la vie d’Etaples.
Bonne journée.
Amicalement
J.Denarcy
Etaples
Les petites histoires que je vous ai fait partager, que ce soit la’’balouette ‘’ ou les démêlés de’’zabelle’’ sur le port sont, comme je l’ai indiqué à chaque fois extraites du livre d’Henri Leprêtre , ‘’Marin pécheur au temps des voiliers ‘’
Monsieur Henri Leprêtre avait le vécu, la mémoire, mais ayant embarqué dès son plus jeune âge, il n’avait pas le talent de l’écriture. Pour l’aider dans la rédaction de ses mémoires, il a eu recours à la plume de Marguerite Lecat.
Voilà ce qui est dit de Maguerite Lecat dans la préface d’un autre livre ‘’Quand les laboureurs courtisaient la terre’’
Une petite fille habillée en garçon, vit au début du siècle dans une grande ferme isolée, située au sommet d’une falaise dominant l’embouchure de la Canche.(Hilbert) Orpheline de mère, elle est élevée par son père et son oncle, et aussi par les domestiques de l’exploitation, qui lui inculquent l’amour de la nature. A l’âge où les petites filles de son époque dorlotent des poupées, Marguerite apprend à traire les vaches, à régler une charrue, à affûter une lame, à aider au ferrage des chevaux.
On ne l’appelle ni ‘’mademoiselle’’ ni Marguerite, mais ‘’not’fiu’’ et on la vouvoie. Avec ses amis vachers, elle parle couramment le picard, mais retrouve un langage châtié et une robe à petit col rond pour se rendre à la salle à manger, et l’après-midi au bureau paternel ou elle apprend entre autres, le grec et le latin .
Jeunesse singulière et fascinante dont se souvient aujourd’hui madame Klein- Lecat. Devenue grande, Marguerite tiendra toutes les promesses de l’enfant. Elle deviendra (à une époque où les femmes ne’’ travaillaient ‘’ guère,) contrôleur laitier, professeur de laiterie dans un collège, puis tout en dirigeant elle-même une exploitation agricole, expert international pour toutes les questions de lait à travers le monde.
Si je tenais à vous parler de cette femme remarquable, c’est que dans ma tendre enfance à Bouvigny-Boyeffles j’allais, avec ma grand-mère, régulièrement chez madame Klein chercher le lait. Deux choses me sont restées en mémoire de cette grande ferme du château de Boyeffles, la grande propreté des étables à vaches carrelées et lavées chaque jour, et la démarche d’officier de madame Klein.
Encore un petit détail à propos de cette dame. Lorsque d’Etaples vous prenez la direction de Montreuil, après les camping-cars sur la gauche se trouve un calvaire. Juste derrière la croix un petit chemin grimpe au sommet du petit monticule sur lequel se trouve la ferme de ‘’Hilbert’’. C’est là qu’a grandie Marguerite Lecat.
J’ai grand plaisir à feuilleter régulièrement ce livre de souvenirs d’Etaples truffé de petites histoires en patois.
En voici une que je vous livre telle que je l’ai découverte.
J’ai déjà dit que chaque lignée se distinguait par un surnom transmis de génération en génération. Dans la partie ancienne de notre état civil, on relève environ soixante-dix surnoms dans les registres paroissiaux entre 1645 et 1792 La plupart de ces surnoms pittoresques contenait une allusion malicieuse. Comme Baveur, Barbe-verte, Bat-la gueule, Deux doigts, etc….etc….D’autres surnoms étaient franchement grossiers, comme Bite-noire ou Gros-cul. Autrefois les surnoms ne choquaient personne, mais aujourd’hui avec les jeunes, ils tendent à disparaître. Si certaines vieilles familles restent encore attachées à leurs sobriquets, d’autres, affligés d’un surnom vraiment indésirable voudraient bien s’en débarrasser. Mais les vieux bourgs ont la mémoire longue……..
Pour excuse il faut dire que nous ne connaissions pas tous les mots français. Dans notre patois il n’y en avait pas d’autres pour exprimer la même chose. Nous parlions comme on nous l’avait appris et pour preuve je vais vous raconter l’aventure qui arriva à notre voisin Auguste et à sa femme Magrite.
Parmi les nombreux enfants, il y en avait un, prénommé Auguste comme lui, et qui était plus intelligent que les autres. Remarqué par le doyen qui souhaitait en faire un curé, il put, grâce à la générosité de quelques paroissiens, entrer au collège, où il fit de bonnes études. Il avait de si bonnes notes que ses parents décidèrent d’aller le voir et de lui porter des chocolats en récompense, lorsque son père aurait son tour à terre.(jour de congé accordé à tour de rôle aux membres de l’équipage)
Le jour venu Magrite dit à son homme : té ira tout seu (tu iras tout seul) quo que t’a ? (qu’as-tu ?)
jé ne su pon ben….jé n’peu pu arquer ( je ne suis pas bien je ne peux plus marcher)
té malate ? (tu es malade ?)
non mé j’aie ceume qui diroï un claïe mal plaçaïe ( non mais j’ai comme qui dirait un clou mal placé.)
é du ?(et ou ?) a min cul.(a mon derrière)
Chi ché tout cha,ej my in va tout seu (si c’est tout ça je m’y en vais tout seul)
Arrivé au collège le fiu tout content mais ne voyant pas sa mère, lui demande :
Et maman ? il lui repond …..ette mère elle est pon ben.
Elle est pas malade au moins ? lui demande le petit Auguste qui maintenant parlait bien français.
Non mé elle a comme qui diroï un claïe mal plaçaïe.
Et où ? demande le fils. ….à son cul……le petit Auguste sursaute….surtout papa ne dit pas ce mot là, il faut dire anus.
Ceumme té veu ,dit le père . Et v’la supérieur qui s’amène !
Ah je suis ravi de vous voir père Auguste, votre fils est un si gentil garçon. Nous sommes très contents de lui, il faut qu’il continue, vous devez l’encourager .
Ben ui dit le père en montrant le gros paquet de chocolats.
Mais, au fait, s’inquiète le supérieur, vous êtes seul ? votre femme n’est pas malade j’espère ?
Non, mé el a quique cose à faire, el a in claïe mal placaïe….
Et ou ? s’informe avec intérêt l’abbé.
Alors le père secoue doucement le bras du petit Auguste et tout bas, lui dit :
‘’dizi ec quemin ec t’apèle el cul dette mère ? ( dis-lui comment que t’appelle le derrière de ta mère…….)