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 » Pourquoi Joshu …Parce que Slocum.

Bonjour Eric.
Bravo pour le film du départ de course envoyé ce matin . Remarquable document.
Voici un petit extrait de la circum navigation de J.Slocum
Bon confinement
Amicalement
Jacques

 » Pourquoi Joshua………Parce que Slocum.

Bernard Moitessier ne s’y est pas trompé, en baptisant son bateau « Joshua » il savait parfaitement à qui il voulait rendre hommage.

Quelques mots sur ce capitaine J.Slocum. A la fin du 19eme siecle a bord de son propre bateau le trois mat barque « Aquidneck » il fait du cabotage, sa famille vivant avec lui à bord. Au gré des chargements il sillonne les rivages Est  de l’atlantique, de la nouvelle Ecosse  à l’Amérique latine. Lors d’un chargement  à Paranagua au Brésil,  un coup de mauvais temps fait déraper les ancres. « Aquidneck » est jeté à la cote  en perdition. Avec le bois d’épave de son trois mats et l’aide de son fils second à bord du bateau  ils construisent, avec les moyens du bord une embarcation qu’ils baptisent  « Libertade » et regagnent ,après bien des péripéties, l’Amérique du nord.

Quelque temps plus tard un de ses amis  lui donne un bateau le  « Spray » Le bateau est en bien mauvais état, le capitaine Slocum entreprend une refonte complète avec en arrière –pensée un tour du monde à la voile .

« Spray »  long.11m20  bau 4m32  creux 1m27  tonnage brut 12,71 t.

Extrait du livre de voyage du capitaine Slocum.

 A la pointe sud de l’Amérique latine.

Le premier jour de la tempête, le Spray affronta l’épreuve de la plus terrible mer que le cap Horn et ses régions sauvages puissent offrir. Dans aucune partie du monde on aurait pu trouver une mer aussi mauvaise que ce jour-là  près du cap Pillar, la farouche sentinelle du cap Horn.

Plus loin au large, la mer était réellement majestueuse et le danger moindre. Le Spray montait et descendait sur des lames géantes, tantôt sur la crête comme un oiseau, tantôt comme une épave, dans des creux profonds et il poursuivait sa route. Des jours entiers passèrent ainsi m’apportant ……oui parfaitement….une véritable sensation de plaisir.

Le quatrièmement jour, m’approchant  rapidement du cap Horn, j’étudiais la carte et décidais de rallier Port-Stanley, dans les iles Falkland où je pourrai trouver à me regréer et à m’approvisionner. A ce moment, j’aperçus à bâbord par une crevasse dans les nuages une haute montagne paraissant à sept lieux environ par le travers. Le fort de la tempête était passé et j’avais déjà envergué une voile de fortune sur le gui pour remplacer la grand-voile que le vent avait déchiqueté en lambeaux. Je halai à bord les amarres à la traine, hissai ma grand-voile improvisée, avec un ris, la trinquette était déjà établie et me dirigeai  vers la terre qui me semblait être une ile . C’en était une en effet, mais pas celle que je croyais. J’étais joyeux d’embouquer à nouveau le détroit de Magellan et de passer une seconde fois vers le Pacifique, car au large de la terre de feu, la mer était plus que mauvaise. Elle était littéralement montagneuse. Dans les rafales les plus violentes, alors que le sloop ne portait que la trinquette, le ris pris, le seul battement de cette petite voile le faisait frémir et trembler de la carlingue à la pomme de mat. Si un doute sur la solidité du bateau avait pu me venir à l’esprit, j’aurais craint alors qu’une voie d’eau ne se déclarât au galbord, au pied du mât, mais pas une fois je ne dus pomper. Sous l’impulsion des petites voiles que j’avais établies, le Spray filait vers la terre comme un cheval de course et c’était un travail passionnant que de le mener à travers les lames  de crêtes en crêtes en manœuvrant pour qu’il ne se couche pas. Je ne quittais plus la barre et faisais de mon mieux.

La nuit survint avant que le sloop n’ait atteint la terre et je continuai ma route dans une obscurité épaisse comme de la poix.  Bientôt,  je vis devant moi des brisants. Immédiatement, je virai de bord et mis cap au large mais fus bientôt effrayé par le fracas  de nouveaux  brisants droit devant moi  et sous le vent. Cela m’embarrassa beaucoup car là où je croyais être, la mer n’aurait  pas dû briser. Je laissai porter et virai lof pour lof mais trouvai encore des brisants devant moi. Je passai ainsi le reste de la nuit environné de dangers de toutes- parts. La grêle et la neige fondue qui tombaient pendant les grains m’avaient coupé la peau si bien que le sang  ruisselait  sur ma figure. Mais qu’importe cela ! à la lumière du jour,  je vis que je me trouvais  au milieu du »milky-way »  au N-Ouest du cap Horn et que les brisants qui avaient menacé de m’engloutir toute la nuit étaient produits par une mer démontée, déferlant sur des rochers submergés. C’était l’ile Fury que j’avais aperçu la veille et vers laquelle je m’étais dirigé. Quel panorama m’entourait maintenant, ce n’était guère le moment de se plaindre de quelques écorchures à la figure. Que pouvais-je faire si ce n’est essayer de m’échapper en cherchant un chenal entre les brisants. Le Spray ayant évité les cailloux pendant la nuit saurait bien trouver la route en plein jour. Ce fut la plus grande aventure de mer de toute ma vie et Dieu seul sait comment je m’en suis tiré !.

Mon sloop parvint à se mettre à l’abri des petites iles  et se trouva en eau à peu près  calme. Je montai alors  en haut du mat pour contempler la scène derrière moi ……Le grand naturaliste  Darwin a vu les mêmes parages du haut du pont du « Beagle »  et il écrivit dans son journal : « tout terrien, après avoir vu le Milky-way, en aura des cauchemars pendant huit jours. Il aurait pu dire aussi tout marin.

La chance de « Spray » ne l’abandonna pas. Je m’aperçus en naviguant à travers un labyrinthe d’iles que je me trouvais  dans cockburn-chanel ,qui mène au détroit de Magellan en un point situé en face du cap Froward et j’avais déjà atteint la «  baie des voleurs »l bien nommée. Le 8 mars à la nuit tombante, le Spray était mouillé dans une petite crique sûre du détroit. Je l’avais échappé belle. Là, je me reposai un peu et examinai les événements de ces derniers jours. Chose extraordinaire, c’est lorsque je pu m’asseoir et m’étendre que je sentis à quel point j’étais harassé de fatigue. Je me préparai un plat de viande chaud, ce qui me remit d’aplomb et me permit de dormir. Avant de m’assoupir, j’avais répandu sur le pont une bonne quantité de clous  et en descendant dans la cabine je m’étais remémoré le conseil que m’avait donné mon ami Samblich…….surtout ne pas marcher dessus soi-même…… J’avais fait en sorte que ces clous soient bien placés la pointe en l’air.  Quand le Spray avait traversé la baie des voleurs, deux pirogues l’avaient suivi, je ne pouvais dissimuler plus longtemps que j’étais seul à bord. C’est un fait bien connu : on ne peut pas marcher sur la pointe d’un clou sans dire quelque chose. Un bon chrétien pousse toujours un cri si son pied se pose sur une semence de tapissier mais un sauvage lui, poussera  des hurlements déchirants en gesticulant comme un possédé. C’est précisément ce qui arriva cette nuit-là. Vers minuit alors que je dormais dans ma cabine,  plusieurs sauvages vinrent  à bord, persuadés que ma capture, celle du sloop était déjà chose faite. Mais dès qu’ils furent sur le pont, ils changèrent d’avis. Je n’avais réellement pas besoin de chien. Ils hurlaient tous comme une meute de chiens courants. Je n’eus pas à me servir de mon fusil.  Ils sautèrent  pêle-mêle soit dans leurs pirogues, soit dans l’eau pour se rafraichir je suppose et ils accompagnèrent leur départ de vociférations prolongées. je montais sur le pont et tirait plusieurs coup de feu pour montrer que j’étais là. Certain que les gens qui s’étaient enfuis si rapidement ne reviendraient pas me déranger de  sitôt.